Homélie du 7e dimanche de Pâques
2 juin 2019
Les trois témoins dont il est question dans les lectures nous tournent vers l’invisible. Ils sont des témoins, des témoins de l’invisible.
Étienne tout d’abord. Il aurait fallu lire tout le discours d’Étienne, c’est le plus long discours que l’on trouve dans les Actes des apôtres. Étienne porte un regard sur l’histoire de son pays et explique les cheminements de Dieu à travers les événements. Il parle de la mort de Jésus et surtout, il le voit assis à la droite de Dieu. Comme… comme s’il voyait l’invisible.
Jean, avec son livre de l’Apocalypse, c’est tellement étonnant : « moi Jean, j’ai entendu une voix… » Et je peux presque ajouter… Jean a vu l’invisible… Témoins de la vie terrestre de Jésus, Jean est aussi témoin de l’invisible.
Et puis le troisième témoin, évidemment Jésus, témoin de ce qu’il a vu et que nul œil n’a jamais vu. « Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu… »
Étienne, Jean, Jésus des témoins de l’invisible…
Me revenait à la mémoire le livre de Jacques Loew : Comme s’il voyait l’invisible ; Jacques Loew, prêtre dominicain, fonde la Mission Ouvrière Saints-Pierre-et-Paul dont les membres exerceront une profession surtout manuelle, ils vivront en solidarité avec les milieux populaires. La Mission s’implantera au Sahara, au Brésil, au Japon, au Canada, en Italie, en Russie. Le livre Comme s’il voyait l’Invisible, qui traduit la spiritualité de la Mission, influencera la vie chrétienne de nombreux prêtres, religieux, religieuses et laïcs. Il l’a écrit en 1964. Devant la blessure causée par l’incroyance, il s’interroge : quel apôtre pour aujourd’hui ? Et le titre de son livre est finalement celui-ci, il faut des témoins, des apôtres, des hommes de foi, des hommes d’une telle foi qu’ils donnent l’impression de voir l’invisible et d’en témoigner.
Désormais, les Apôtres après l’Ascension vont être appelés à être des témoins de l’invisible. Invisible le Ressuscité mais tellement présent à nos vies.
Me revenait encore en mémoire cette histoire vraie, c’est presque une parabole : une maman racontant : « J’étais allé dans sa chambre, embrasser mon garçon avant qu’il ne s’endorme. En le quittant, j’éteins la lumière ; mais voilà qu’une voix angoissée me supplie : « maman, ne t’en va pas ! » Je me rapproche, me penche sur lui : « pourquoi mon chéri ? ». réplique la maman. Parce que, quand tu n’es pas là, je suis… je suis pauvre. »
Tiens ! « Je suis pauvre », il aurait pu dire : je suis triste, ou encore : j’ai peur. Ç’aurait été plus logique et en même temps banal… Mais il a dit, après avoir cherché un instant le mot bien exact pour exprimer son sentiment le plus vrai : je suis pauvre. Cela va tellement plus loin. Un pauvre, c’est quelqu’un qui manque du nécessaire, du pain indispensable, et qui - à force de manquer - pourrait finir par mourir. Et c’est bien ce que ce petit garçon ressentait intensément ce soir-là : que sa maman était son pain quotidien, sa raison de vivre, que sans elle il était vraiment pauvre, pauvre presque jusqu’à l’angoisse.
Puisse-t-il un jour dire à Dieu, avec le même élan et la même force de conviction : « Seigneur, ne t’en va pas. Parce que, quand tu n’es pas là, moi je suis pauvre ». Ce jour-là, il saura prier.
Étienne, Jean, Jésus étaient des témoins de l’invisible parce qu’ils se savaient non pas pauvres, mais riches d’une présence.